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25. Extraits de la décision de la CRA du 24 juin 1993,
A.K. et famille, ex-Yougoslavie

Demande de réexamen; situation au Kosovo:

1. Cadre du litige en cas de recours contre une décision de l'ODR refusant d'entrer en matière sur la demande (consid. 2).

2. Conditions auxquelles l'autorité de première instance est tenue d'entrer en matière sur une demande de réexamen motivée par une modification de la situation de fait (consid. 3).

3. L'évolution de la situation au Kosovo depuis le mois de mars 1992 ne peut être considérée comme étant constitutive d'un changement notable de circonstances; analyse de la situation antérieure et postérieure à cette date (consid. 4a, b, c). L'autorité apprécie l'existence ou non d'un changement notable de situation, postérieurement à la décision entrée en force, au regard des seuls faits, à l'exclusion de simples prévisions. Un tel changement ne peut être présumé en l'espèce en l'absence d'une guerre civile ou d'une situation de violences généralisées (consid. 4d).

4. L'exécution du renvoi au Kosovo via l'ex-République yougoslave de Macédoine ne contrevient pas aux mesures d'embargo décrétées par l'ONU à l'encontre des composantes actuelles de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie/Monténégro) (consid. 6).

Wiedererwägungsgesuch; Situation in Kosovo:

1. Anfechtungsgegenstand einer Beschwerde, die sich gegen die Weigerung des BFF richtet, auf ein Wiedererwägungsgesuch einzutreten (Erw. 2).

2. Voraussetzungen einer Verpflichtung der Behörde zum Eintreten auf ein Wiedererwägungsgesuch, welches mit einer Veränderung der Situation in Herkunftsgebiet begründet wird (Erw. 3).


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3. Analyse der Situation in Kosovo vor und nach März 1992; die Situation hat sich seit diesem Zeitpunkt nicht in einer erheblichen Weise verändert (Erw. 4a - c). Eine erhebliche Veränderung der Situation kann nur aufgrund von Tatsachen, nicht aber aufgrund von reinen Prognosen angenommen werden; die blosse Befürchtung, es könnte ein Bürgerkrieg oder eine Situation allgemeiner Gewalttätigkeit ausbrechen, stellt deshalb keine erhebliche Veränderung der Umstände dar (Erw. 4d).

4. Der Vollzug einer Wegweisung nach Kosovo im Transit durch Mazedonien ist mit dem UNO-Embargo gegen die aus Serbien und Montenegro bestehende Bundesrepublik Jugoslawien vereinbar (Erw. 6).

Istanza di riconsiderazione; situazione nel Kosovo:

1. Oggetto d'impugnazione di un ricorso diretto contro il diniego dell'UFR di entrare nel merito di un'istanza di riconsiderazione (consid. 2).

2. Condizioni che obbligano l'autorità inferiore di entrare nel merito di un'istanza di riconsiderazione motivata con una modificazione della situazione nello Stato d'origine (consid. 3).

3. Analisi della situazione nel Kosovo prima e dopo il mese di marzo del 1992; la situazione non si è modificata in modo rilevante da tale data (consid. 4a - c). Una modificazione rilevante della situazione può essere ritenuta soltanto sulla base di fatti, non però sulla base di mere prospettive; il solo timore che potrebbe scoppiare una guerra civile o intervenire una situazione di violenza generalizzata non costituisce quindi una modificazione rilevante delle condizioni (consid. 4d).

4. L'esecuzione di un allontanamento verso il Kosovo in transito per la Macedonia è conciliabile con l'embargo dell'ONU contro la Repubblica federale della Jugoslavia, costituita dalla Serbia e dal Montenegro (consid. 6).


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Résumé des faits :

Le 6 février 1991, l'ODR a rejeté la demande d'asile d'A.K., de son épouse et de leurs enfants. Par la même décision il a prononcé leur renvoi de Suisse et en a ordonné l'exécution. Un recours interjeté par les interessés a été rejeté par le Département fédéral de justice et police (DFJP) le 23 mars 1992.

Par acte du 25 novembre 1992, A. K. a sollicité pour lui-même et sa famille un réexamen de la décision de renvoi de Suisse du 23 mars 1992. Il fait valoir en substance qu'une véritable guerre civile s'est développée dans l'ex-Yougoslavie depuis le prononcé de la décision de renvoi du DFJP et que la situation n'a cessé de s'aggraver dans son pays d'origine depuis le printemps 1992. Il estime également que les risques d'enrôlement forcé ne permettent plus de considérer l'exécution du renvoi comme licite, exigible et possible, considérant en particulier que le fait de replacer un réserviste sous la puissance des autorités serbes contreviendrait à l'embargo décrété par les Nations Unies et portant interruption des liaisons aériennes avec la "Nouvelle fédération yougoslave". Par ailleurs, une exécution du renvoi via la Macédoine ne serait pas envisageable car il s'agit d'un Etat tiers.

Par décision du 18 décembre 1992, l'ODR, prenant notamment en considération le fait que le Kosovo ne connaît pas une situation de guerre civile, a déclaré irrecevable la demande de réexamen et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours.

Dans le recours administratif interjeté le 22 décembre 1992 contre cette décision, les intéressés soutiennent, sur la base des nombreux documents qu'ils ont produits à l'appui de leur demande de réexamen, que la gravité exceptionnelle des événements au Kosovo impose de toute évidence une réévaluation des risques concrets en cas de renvoi, ce que l'ODR, par sa décision d'irrecevabilité n'a à tort pas effectué. Ils relèvent que l'autorité de réexamen a violé son devoir de motivation, et en sus commis un arbitraire, dans la mesure où elle n'a discuté ni de la possibilité, de l'exigibilité et de la licéité du renvoi, d'une part, ni du risque d'enrôlement forcé, malgré leurs arguments cohérents reposant sur un ensemble de faits nouveaux et pertinents, étayés de nombreuses références, d'autre part. Ils considèrent en particulier que l'interprétation de la mise en danger concrète telle qu'elle ressort de la décision querellée est contraire au droit parce qu'elle reviendrait à dénier toute protection aux Albanais du Kosovo, alors même qu'une telle notion comporte nécessairement une part d'incertitude. Ils sollicitent l'octroi de mesures



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provisionnelles ainsi qu'une dispense des frais de procédure, cette dernière mesure étant justifiée dans la mesure où ils ne disposent pas du minimum vital. Ils concluent à l'annulation de la décision d'irrecevabilité, à l'annulation de la décision de renvoi du 6 février 1991, ainsi qu'au règlement de leurs conditions de séjour en Suisse.

Par décision incidente du 24 février 1993, la commission a autorisé les recourants à séjourner en Suisse jusqu'à droit connu sur l'issue de la présente procédure.

Dans ses observations du 2 avril 1993, l'ODR conclut au rejet du recours, relevant en particulier que s'il y a bien au Kosovo une dégradation de la situation politique, économique et sociale, cette région ne connaît toutefois pas de situation de guerre civile ou de violence généralisée, de sorte qu'une suspension globale du renvoi des requérants d'asile déboutés ne se justifie pas.

Extraits des considérants :

2. - De manière générale, la commission qui admet un recours administratif statue elle-même sur l'affaire et rend un nouveau prononcé, si elle n'annule pas purement et simplement la décision querellée. Autrement dit, le principe est la réforme et le renvoi à l'autorité de première instance ne constitue que l'exception, admissible uniquement dans des hypothèses très restreintes (cf. art. 61
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 61
1    L'autorité de recours statue elle-même sur l'affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives à l'autorité inférieure.
2    La décision sur recours contient un résumé des faits essentiels, des considérants et le dispositif.
3    Elle est communiquée aux parties et à l'autorité inférieure.
, 1er
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 1
1    La présente loi s'applique à la procédure dans les affaires administratives qui doivent être réglées par les décisions d'autorités administratives fédérales statuant en première instance ou sur recours.
2    Sont réputées autorités au sens de l'al. 1:
a  le Conseil fédéral, ses départements, la Chancellerie fédérale et les divisions, entreprises, établissements et autres services de l'administration fédérale qui leur sont subordonnés;
b  les organes de l'Assemblée fédérale et des tribunaux fédéraux pour les décisions de première instance et les décisions prises sur recours, conformément au Statut des fonctionnaires du 30 juin 19277;
c  les établissements ou entreprises fédéraux autonomes;
cbis  le Tribunal administratif fédéral;
d  les commissions fédérales;
e  d'autres autorités ou organisations indépendantes de l'administration fédérale, en tant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération.
3    Seuls les art. 34 à 38 et 61, al. 2 et 3, concernant la notification des décisions, et l'art. 55, al. 2 et 4, concernant le retrait de l'effet suspensif, s'appliquent à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral. Est réservé l'art. 97 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants9 relatif au retrait de l'effet suspensif pour les recours formés contre les décisions des caisses de compensation.10 11
al. PA; JAAC 39.33). Mais cela suppose normalement que l'autorité dont la décision est attaquée a déjà examiné les questions de fond. En revanche, lorsqu'elle n'est pas entrée en matière, le requérant peut simplement recourir en alléguant que l'autorité a nié à tort l'existence des conditions requises pour l'obliger à statuer au fond, et la commission ne peut qu'inviter cette dernière à examiner la demande, si elle admet le recours. Les conclusions du recourant sont donc limitées par les questions tranchées dans le dispositif de la décision querellée et celles qui en sortent, en particulier les conclusions portant sur le fond de l'affaire, ne sont pas recevables (ATF 113 Ia 153s, cons. 3c, JT 1989 I 215; ATF 109 Ib 251, 108 Ib 171; cf. P. Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, p. 438; A. Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel
1984, vol. II, p. 949s; F. Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, Berne 1983, p. 221). Une exception apparaît justifiée lorsque, sans s'en tenir strictement aux questions de recevabilité, l'autorité inférieure a clairement indiqué que dans l'hypothèse où elle serait entrée en matière, la demande aurait dû être rejetée (cf. P. Saladin, Das



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Verwaltungsverfahrensrecht des Bundes, Bâle/Stuttgart 1979, p. 172s). Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Il s'ensuit que la conclusion tendant au règlement des conditions de séjour en Suisse, de même que celle relative à l'annulation de la décision de renvoi du 6 février 1991, touchant à des questions de fond, sont irrecevables. Partant, la question de savoir si, en l'espèce, l'ODR a violé son devoir de motivation par le fait qu'il n'a pas discuté de la possibilité, de l'exigibilité et de la licéité du renvoi des intéressés sort du cadre du litige, la commission de céans ne pouvant examiner que le respect par l'autorité intimée de son devoir de motivation quant à l'absence des conditions requises à la recevabilité de la demande de nouvel examen.

S'agissant de la conclusion tendant à l'annulation de la décision d'irrecevabilité, elle s'appuie sur la gravité exceptionnelle des événements au Kosovo qui, de l'avis des recourants, impose de toute évidence une réévaluation des risques concrets en cas de renvoi. Elle vise à démontrer que l'ODR aurait dû entrer en matière sur la demande de nouvel examen en matière de renvoi et est donc recevable.

3. - a) La caractéristique la plus importante de la demande de réexamen est que son auteur n'a aucun droit, en principe, non seulement à une nouvelle décision, mais déjà à ce que l'autorité saisie procède à un nouvel examen. Cette procédure ne peut pas avoir pour conséquence qu'une autorité devrait sans cesse reprendre les mêmes affaires tranchées par des actes administratifs qui ont l'autorité de la chose décidée (cf. ATF 109 Ib 250/251; B. Knapp, Précis de droit administratif, Bâle/Francfort-sur-le-Main, 4e éd., p. 374). En l'absence de dispositions légales précises et en application de l'article 1er, alinéa 3 du Code civil suisse, les autorités administratives et judiciaires déterminent l'existence d'une obligation, pour une autorité donnée, de procéder à la reconsidération, autrement dit d'une obligation d'entrer en matière sur une demande de réexamen, sur la base de l'article 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
de la Constitution fédérale (Cst), selon le principe de la concrétisation du droit objectif, en s'inspirant notamment des dispositions légales instituant la revision (au sens strict du terme); certes, la jurisprudence et la doctrine ne sont pas unanimes quant aux règles régissant ce domaine particulier du droit administratif et la terminologie utilisée pêche
par une certaine confusion (cf. P. Saladin, Wiedererwägung und Widerruf formell rechtskräftiger Verfügungen, in: Le droit des assurances sociales en mutation, Mélanges pour le 75e anniversaire du Tribunal fédéral des assurances, p. 113 à 131, spéc. p. 116; U. Beerli-Bonorand, Die ausserordentlichen Rechtsmittel in der



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Verwaltungsrechtspflege des Bundes und der Kantone, Zurich 1985, p. 171 à 187, et références citées).

b) - La jurisprudence du Tribunal fédéral et la doctrine s'accordent à dire qu'en application des principes déduits de l'article 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst ainsi que de l'article 66
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 66
1    L'autorité de recours procède, d'office ou à la demande d'une partie, à la révision de sa décision lorsqu'un crime ou un délit l'a influencée.
2    Elle procède en outre, à la demande d'une partie, à la révision de sa décision:
a  si la partie allègue des faits nouveaux importants ou produit de nouveaux moyens de preuve;
b  si la partie prouve que l'autorité de recours n'a pas tenu compte de faits importants établis par pièces ou n'a pas statué sur certaines conclusions;
c  si la partie prouve que l'autorité de recours a violé les art. 10, 59 ou 76 sur la récusation, les art. 26 à 28 sur le droit de consulter les pièces ou les art. 29 à 33 sur le droit d'être entendu, ou
d  si la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)119 ou de ses protocoles, ou a conclu le cas par un règlement amiable (art. 39 CEDH), pour autant qu'une indemnité ne soit pas de nature à remédier aux effets de la violation et que la révision soit nécessaire pour y remédier.
3    Les motifs mentionnés à l'al. 2, let. a à c, n'ouvrent pas la révision s'ils pouvaient être invoqués dans la procédure précédant la décision sur recours ou par la voie du recours contre cette décision.
PA par analogie, une autorité est tenue de se saisir d'une demande de réexamen lorsque les circonstances se sont notablement modifiées depuis la première décision ou que le requérant allègue des faits ou des moyens de preuve importants qu'il ne connaissait pas lors de la première décision ou dont il ne pouvait se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à l'époque (ATF 113 Ia 152 cons. 3a, JT 1989 I 213s et arrêts cités; P. Moor, op. cit., p. 230; A. Achermann/C. Hausammann, Handbuch des Asylrechts, 2e éd., Berne/Stuttgart 1991, p. 325 et référence citée; U. Häfelin/G. Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungsrechts, Zurich 1990, p. 174). La modification notable des circonstances s'apprécie depuis la date de la décision au fond rendue en dernière instance (cf. ATF 97 I 748ss, spéc. p. 752 et 761); en revanche, dans la mesure où la demande de nouvel examen est recevable, la décision reconsidérée ne peut être que celle rendue antérieurement par l'autorité de première instance (cf. A. Kölz/I. Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich
1993, p. 116).

4. - a) La décision du DFJP, écartant le recours dirigé contre la décision de refus d'asile et de renvoi de l'ODR, a été rendue le 23 mars 1992. Il convient d'examiner si, depuis cette époque, les circonstances ont évolué de manière notable au point de justifier une réévaluation, par l'ODR, des risques encourus par les intéressés en cas d'exécution de la décision de renvoi au Kosovo.

b) - Comme l'ont été l'emploi, la médecine, la presse, la culture, la justice et le commerce, l'éducation à son tour a été "rationalisée" en 1989. Cette stratégie était rendue possible par la suppression du statut d'autonomie qu'avaient obtenues en 1974 deux provinces de la Serbie, à savoir le Kosovo et la Vojvodine. C'est à la faveur d'un codicille à la constitution serbe, entré en vigueur le 28 mars 1989, transférant aux autorités serbes la haute main sur la police, la justice, la défense civile, l'instruction publique et l'économie, ainsi que sur l'administration et le parti communiste, que les autorités de Belgrade ont mis progressivement en place une législation spéciale leur permettant non seulement de reprendre le pouvoir dans cette province, mais encore d'instaurer les prémisses d'une "purification ethnique"; en outre, elles ont mis le Kosovo sous contrôle quasi militaire. Le programme yougoslave pour le Kosovo, publié dans le Journal officiel de Serbie du 16 mars 1990, prévoyait déjà le



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repeuplement serbe de cette province notamment par le recours à des primes, des salaires préférentiels et des facilités d'accession à la propriété, alors que les Albanais, dans le même temps, se voyaient interdire les transactions immobilières; il ne s'agissait plus, comme en 1988, de décapiter l'ancien parti communiste du Kosovo, jugé trop nationaliste ni de juguler l'élite albanaise taxée d'irrédentiste ou de séparatiste, mais d'imposer un retour du Kosovo à "ses propriétaires originels" et de mettre l'ensemble du pays en coupe réglée pour forcer les Albanais à émigrer; l'interdiction de toutes les institutions du Kosovo, décrétée le 26 juin 1990, et la dissolution du parlement et du gouvernement provinciaux, le 5 juillet 1990, participaient de cette politique.

c) - De cette analyse, il résulte que l'optique visant à modifier la composition ethnique du Kosovo par la mise en oeuvre de mesures discriminatoires, de même que ces mesures, ne constituent pas un phénomène totalement nouveau (cf. en particulier Vertreibungspolitik im Kosovo, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22 février 1993) et reposent sur des bases bien antérieures à la décision du DFJP en matière de renvoi. Certes, si la situation au Kosovo s'est aggravée depuis le 23 mars 1992, il n'en demeure pas moins que cette évolution ne comporte pas l'ampleur nécessaire pour que l'on puisse admettre un changement des circonstances notable, susceptible de conduire à une autre constatation des faits si elle avait été connue au moment de l'entrée en force de la première décision (cf. ATF 113 Ia 154, cons. 2e).

Par ailleurs, la politique du calme, de la résistance civile, certes radicale, mais aussi pacifique et non armée des Albanais a pour effet d'empêcher, pour l'instant du moins, toute guerre civile ou situation de violence généralisée dans cette province où ceux-ci constituent le 90 % de la population; les Albanais se sont organisés en vue de persister dans la "bonne politique, celle de la guerre sans armes" ainsi que l'ont voulue avant tout le gouvernement transitoire créé en septembre 1990, la Ligue démocratique et son chef, notamment par la mise sur pied d'institutions parallèles dans les domaines de l'enseignement et de la santé. Malgré la politique menée par les autorités serbes, force est de constater, comme relevé ci-dessus, que le Kosovo ne se trouve pas dans un état de guerre civile, à savoir dans un conflit armé interne mettant aux prises le gouvernement établi avec un ou plusieurs mouvements insurrectionnels dont les buts tendent soit à renverser le gouvernement ou le régime de l'Etat, soit à obtenir la sécession d'une partie de cet Etat (cf. C. Piguet, La guerre civile en droit international, Lausanne 1982, p. 18) ni dans une situation de violence généralisée. Ils ne peuvent donc être considérés comme des réfugiés de la
violence.



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Ce constat est corroboré par le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations-Unies (HCR) dans sa prise de position du 12 juin 1992, confirmée le 12 février 1993. Cette organisation a clairement indiqué qu'abstraction faite des réfractaires et déserteurs qui auraient refusé de se soumettre à un appel sous les drapeaux, ses recommandations portant sur l'octroi d'une protection temporaire aux "réfugiés de la guerre" ne s'appliquaient pas aux Albanais du Kosovo étant donné l'absence, dans cette province, d'une guerre ouverte ou de violences généralisées ("open warfare or civil strife"), et ce malgré la volatilité de la situation qui y règne depuis 1989. Elle a toutefois précisé dans son document du 12 février 1993 que les violations des droits de l'homme se poursuivaient dans de nombreux domaines, en particulier en matière d'emploi; bien que des licenciements pouvaient être justifiés par des raisons économiques, le risque de pertes d'emploi causées par le refus d'allégeance au gouvernement serbe, voire par l'absence d'un soutien suffisant à sa politique, persistait avec toutes les conséquences néfastes que cela suppose sur le plan du logement et des assurances sociales. C'est ainsi qu'en guise de conclusion cette organisation internationale
recommande aux Etats tiers de prendre en considération les situations de discriminations cumulatives, pour des raisons politiques ou analogues, dans la détermination du statut de réfugié, et en matière de renvoi, de pratiquer une politique accordant un poids particulier aux considérations humanitaires, sur la base d'un examen individuel des cas.

d) - L'absence de guerre civile ou de violences généralisées empêche de présumer l'existence, depuis la décision du DFJP du 23 mars 1992, d'un changement de situation notable qui à lui seul aurait contraint l'ODR à entrer en matière sur la demande de réexamen, et donc à apprécier une nouvelle fois la question de l'exigibilité de l'exécution du renvoi au sens des articles 18
SR 748.0 Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)
LA Art. 18
1    Tout aéronef peut être tenu d'atterrir pour des raisons d'ordre et de sécurité publics. Il doit immédiatement obéir aux signaux lui donnant l'ordre d'atterrir.
2    Tout aéronef qui use sans droit de l'espace aérien suisse doit atterrir sur l'aérodrome douanier le plus rapproché pour être soumis au contrôle des autorités compétentes. Il reste sous séquestre jusqu'à ce que l'autorisation de circuler ait été donnée par l'OFAC.
LA et 14a, 4e alinéa LSEE. Dans la mesure où les conditions d'une telle présomption ne sont pas remplies, il reste à examiner si, en l'espèce, les intéressés ont allégué à l'appui de leur requête des faits ou des moyens de preuve pertinents les touchant personnellement et susceptibles d'avoir une influence directe et concrète sur leur sort. Pour le reste, il apparaît utile de préciser que la commission ne peut prendre en considération que des faits ou des moyens de preuve existants lorsqu'elle se prononce sur un recours contre une décision en matière de réexamen ou sur une demande de revision. Elle ne peut faire de prévision, à savoir des suppositions sur ce qui devrait arriver, sauf à mettre sur un même plan des faits à venir, soit des faits hypothétiques, et la réalité, ce qui serait insoutenable, ne serait-ce que par la confusion qui serait créée entre, d'une part, les
faits allégués, parmi lesquels seuls ceux



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ayant le caractère juridique de nouveauté sont déterminants (sous réserve de la pertinence) et, d'autre part, l'interprétation et l'appréciation de faits dépourvus de ce caractère de nouveauté (cf. décision de la CRA du 16 octobre 1992, JICRA 1993, no 4, p. 16ss, spéc. cons. 4c et 5). Ainsi, l'argument selon lequel le pronostic d'une guerre civile, ou plus généralement d'une explosion de violence généralisée doit être retenu tombe à faux.

5. - (...)

6. - Pour le surplus, dans le cadre du présent litige, la commission ne peut examiner le grief des recourants selon lequel l'exécution de leur renvoi en "Macédoine" serait impossible et illicite, qu'au regard des allégués de la demande de nouvel examen du 24 novembre 1992, sans prise en considération de l'évolution subséquente de la situation, alors même que le recours ou un mémoire ultérieur y ferait allusion; en outre, elle est limitée dans sa cognition au point de savoir si ladite demande était recevable ou non, sans qu'elle puisse substituer son appréciation au fond à celle que l'Office fédéral des réfugiés n'a pas exprimée, ce dernier ayant estimé qu'il n'avait pas à le faire. Nonobstant le cadre étroit du présent litige, si elle devait examiner au fond l'argumentation des recourants, en incluant dans son appréciation également les faits postérieurs au dépôt de la demande de nouvel examen, la commission constaterait, d'abord, que cette ex-République yougoslave a été reconnue officiellement par l'Assemblée générale de l'ONU le 8 avril 1993 et par la Suisse, le 12 mai 1993. Elle constaterait, ensuite, que l'exécution du renvoi n'a pas été ordonnée dans l'ex-République yougoslave de Macédoine, mais bien via cet Etat à destination du
Kosovo, et ce, pour des questions d'ordre technique, de sorte que l'on ne pourrait parler de renvoi dans un pays tiers; l'autorité de céans constaterait également que s'il survenait, après le prononcé de la décision finale ou après l'entrée en force de la décision de première instance, une impossibilité effective d'exécution du renvoi, en raison d'un obstacle insurmontable d'ordre technique (cf. décision de la CRA du 16 octobre 1992, JICRA 1993, no 4, p. 24), il s'agirait là d'une pure constatation de fait qui ressortirait aux autorités cantonales auxquelles il appartiendrait alors de demander à l'ODR d'ordonner l'admission provisoire (cf. art. 18
SR 748.0 Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)
LA Art. 18
1    Tout aéronef peut être tenu d'atterrir pour des raisons d'ordre et de sécurité publics. Il doit immédiatement obéir aux signaux lui donnant l'ordre d'atterrir.
2    Tout aéronef qui use sans droit de l'espace aérien suisse doit atterrir sur l'aérodrome douanier le plus rapproché pour être soumis au contrôle des autorités compétentes. Il reste sous séquestre jusqu'à ce que l'autorisation de circuler ait été donnée par l'OFAC.
, 3e
SR 748.0 Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)
LA Art. 18
1    Tout aéronef peut être tenu d'atterrir pour des raisons d'ordre et de sécurité publics. Il doit immédiatement obéir aux signaux lui donnant l'ordre d'atterrir.
2    Tout aéronef qui use sans droit de l'espace aérien suisse doit atterrir sur l'aérodrome douanier le plus rapproché pour être soumis au contrôle des autorités compétentes. Il reste sous séquestre jusqu'à ce que l'autorisation de circuler ait été donnée par l'OFAC.
al. LA). Au titre de la licéité, la CRA constaterait enfin l'absence de tout indice permettant d'admettre une violation des mesures prises par la Suisse -en vue de s'aligner sur les Résolutions de l'ONU à l'égard de la Yougoslavie, en particulier, la Résolution 820 du 17 avril 1993- et contenues dans l'Ordonnance du Conseil fédéral instituant des mesures économiques à l'encontre de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro) du 3 juin 1992 (RS



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946.209), modifiée le 26 avril 1993 (RO 1993 II 1500) dans le but de compléter les mesures de renforcement du 30 novembre 1992 (RO 1992 III 2353). L'autorité de céans ne voit en effet pas en quoi l'exécution du renvoi des recourants au Kosovo représenterait une "activité" interdite, à savoir une activité commerciale avec la Yougoslavie ou une prestation de services aux autorités yougoslaves (cf. art. 3, 1er al. de l'ordonnance précitée). A cet égard, il ressort clairement d'autres dispositions de cet arrêté que seuls les services qui ont pour effet de promouvoir l'économie yougoslave (serbe et monténégrine) ou dont les activités ont une incidence à cet égard (cf. art. 3, 2e al., let. e) de même que le transport de personnes par des véhicules à moteur de plus de neuf places en provenance et à destination de la Yougoslavie (cf. art. 2a, 1er al.) sont interdits. Ces mesures correspondent pour l'essentiel à celles instituées par l'ONU à l'égard de la Yougoslavie dans ses composantes actuelles et s'imposent donc également à l'ex-République yougoslave de Macédoine en tant qu'Etat reconnu au plan international, de sorte que le grief des recourants serait dénué de tout fondement. En tout état de cause, si l'argumentation de la demande de
nouvel examen du 24 novembre 1992 repose bien sur des faits postérieurs à la décision du 30 mai 1991, on ne saurait en admettre pour autant la pertinence ni au 24 novembre 1992, soit à l'époque où la Macédoine était déjà "de facto" indépendante, ni à ce jour où ce pays a été reconnu par la communauté des Nations, la question de la nouveauté, au sens juridique du terme, pouvant demeurer indécise. En d'autres termes, une telle demande de réexamen déposée en faveur de ressortissants albanais du Kosovo, fondée sur les mesures prononcées à l'encontre de la Serbie et du Montenégro, était et demeure encore aujourd'hui irrecevable, faute de pertinence.


Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 1993-25-174-183
Date : 24 juillet 1993
Publié : 24 juillet 1993
Source : Autorités antérieures de la LPP jusqu'en 2006
Statut : Publié comme 1993-25-174-183
Domaine : Yugoslavia
Objet : 1993 / 25 - 174 25. Extraits de la décision de la CRA du 24 juin 1993, A.K. et


Répertoire des lois
Cst: 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
LNA: 3e  18
SR 748.0 Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)
LA Art. 18
1    Tout aéronef peut être tenu d'atterrir pour des raisons d'ordre et de sécurité publics. Il doit immédiatement obéir aux signaux lui donnant l'ordre d'atterrir.
2    Tout aéronef qui use sans droit de l'espace aérien suisse doit atterrir sur l'aérodrome douanier le plus rapproché pour être soumis au contrôle des autorités compétentes. Il reste sous séquestre jusqu'à ce que l'autorisation de circuler ait été donnée par l'OFAC.
PA: 1 
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 1
1    La présente loi s'applique à la procédure dans les affaires administratives qui doivent être réglées par les décisions d'autorités administratives fédérales statuant en première instance ou sur recours.
2    Sont réputées autorités au sens de l'al. 1:
a  le Conseil fédéral, ses départements, la Chancellerie fédérale et les divisions, entreprises, établissements et autres services de l'administration fédérale qui leur sont subordonnés;
b  les organes de l'Assemblée fédérale et des tribunaux fédéraux pour les décisions de première instance et les décisions prises sur recours, conformément au Statut des fonctionnaires du 30 juin 19277;
c  les établissements ou entreprises fédéraux autonomes;
cbis  le Tribunal administratif fédéral;
d  les commissions fédérales;
e  d'autres autorités ou organisations indépendantes de l'administration fédérale, en tant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération.
3    Seuls les art. 34 à 38 et 61, al. 2 et 3, concernant la notification des décisions, et l'art. 55, al. 2 et 4, concernant le retrait de l'effet suspensif, s'appliquent à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral. Est réservé l'art. 97 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants9 relatif au retrait de l'effet suspensif pour les recours formés contre les décisions des caisses de compensation.10 11
61 
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 61
1    L'autorité de recours statue elle-même sur l'affaire ou exceptionnellement la renvoie avec des instructions impératives à l'autorité inférieure.
2    La décision sur recours contient un résumé des faits essentiels, des considérants et le dispositif.
3    Elle est communiquée aux parties et à l'autorité inférieure.
66
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)
PA Art. 66
1    L'autorité de recours procède, d'office ou à la demande d'une partie, à la révision de sa décision lorsqu'un crime ou un délit l'a influencée.
2    Elle procède en outre, à la demande d'une partie, à la révision de sa décision:
a  si la partie allègue des faits nouveaux importants ou produit de nouveaux moyens de preuve;
b  si la partie prouve que l'autorité de recours n'a pas tenu compte de faits importants établis par pièces ou n'a pas statué sur certaines conclusions;
c  si la partie prouve que l'autorité de recours a violé les art. 10, 59 ou 76 sur la récusation, les art. 26 à 28 sur le droit de consulter les pièces ou les art. 29 à 33 sur le droit d'être entendu, ou
d  si la Cour européenne des droits de l'homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)119 ou de ses protocoles, ou a conclu le cas par un règlement amiable (art. 39 CEDH), pour autant qu'une indemnité ne soit pas de nature à remédier aux effets de la violation et que la révision soit nécessaire pour y remédier.
3    Les motifs mentionnés à l'al. 2, let. a à c, n'ouvrent pas la révision s'ils pouvaient être invoqués dans la procédure précédant la décision sur recours ou par la voie du recours contre cette décision.
Répertoire ATF
108-IB-167 • 109-IB-246 • 113-IA-146
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
kosovo • yougoslavie • guerre civile • nouvel examen • examinateur • albanie • dfjp • décision de renvoi • onu • première instance • décision d'irrecevabilité • exigibilité • moyen de preuve • décision • recours administratif • partie commune • vue • doctrine • constatation des faits • quant
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VPB
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